Aki Ajo est le directeur d’équipe le plus performant du paddock des Grands Prix. Au cours des dix dernières années, il a guidé Marc Marquez, Johann Zarco, Brad Binder, Pedro Acosta et bien d’autres vers la gloire en championnat du monde. Quel est donc son secret ?
Les Débuts de la Passion
Ce moment-là, je l’ai appelé mon université, sourit Aki Ajo en se rappelant comment tout a commencé pour lui. J’ai appris la mécanique, j’ai appris à piloter et j’ai également appris les prémices du business.” Cette période, son soi-disant enseignement universitaire, que se remémore le Finlandais de 55 ans, il avait onze ans. “J’ai commencé à faire des affaires avec des mobylettes pour pouvoir m’acheter une motocross. Mes parents avaient peur que je m’achète une moto parce que j’étais un peu sauvage, mais ils m’ont autorisé à acheter des cyclomoteurs pourris, à les retaper avec des pièces détachées et à en faire la pub dans le journal local. Improbable mais vrai, des parents venaient avec leurs enfants acheter mes cyclomoteurs. À 14 ans, j’ai eu assez d’argent pour m’acheter ma première moto de cross : une Honda CR125 Elsinore de 1977.”
L’Amour du Deux-Roues
Les stéréotypes sur les Finlandais suggèrent qu’ils sont moroses et sans émotion, mais Ajo brûle d’enthousiasme lorsqu’il parle de sa vie menée à 200 à l’heure pour la moto. Il est désespérément amoureux de ces engins depuis qu’un cousin l’a fait monter sur le réservoir d’une Honda CB500 lorsqu’il était tout petit. Son père était plutôt tourné vers l’automobile – il a participé à des rallyes et à des courses sur glace – mais après avoir chevauché une CB500, Ajo n’a plus eu envie que de deux roues. “À 13 ans, j’étais mécanicien de courses sur route. Je travaillais sur la Yamaha TZ250 d’un ami de la famille. Je démontais les cylindres, les pistons, tout… J’étais tellement enthousiaste ! J’étais complètement accro, surtout à cette époque. À 16 ans, j’ai participé à mes premières épreuves de motocross et de courses sur glace, puis j’ai eu envie d’une machine de vitesse.”
Une Passion qui Poursuit son Chemin
Aki Ajo a alors piloté une Honda RS125 pour sa propre équipe – le Team Santa Claus – dans divers championnats scandinaves et européens pendant plusieurs années. Il a aussi bénéficié d’une wild card lors du Grand Prix autrichien 125cc de 1993. Puis, comme c’est souvent le cas dans le sport le plus cruel qui soit, sa vie a changé. “Je me suis cassé la hanche gauche – j’ai d’ailleurs encore beaucoup de métal dans cette jambe – et à l’hôpital j’ai décidé de ne plus jamais faire de course. J’ai donc créé mon propre team en 1997 avec l’objectif de participer à des Grands Prix. L’un de mes meilleurs amis, qui faisait également des courses sur glace et sur route, était le père de Mika Kallio [qui est devenu le pilote finlandais le plus victorieux de tous les temps]. Mika nous accompagnait partout depuis l’âge de trois ou quatre ans et, lorsque j’ai arrêté de courir, j’ai commencé à l’entraîner. Nous avons disputé nos premiers GP ensemble en 2001.”
Un Leader dans l’Industrie
L’homme est présent dans le paddock du MotoGP depuis. Son équipe, Ajo Motorsport, a remporté son premier GP en 2003, avec l’Italien Andrea Ballerini, et son premier championnat du monde en 2008, avec le Français Mike Di Meglio. Deux ans plus tard, Aki Ajo a obtenu le soutien de Red Bull et a engagé un jeune Espagnol de 17 ans, un certain Marc Marquez. Le jeune homme a dominé le championnat du monde 125cc en 2010, faisant d’Ajo Motorsport une véritable pépinière pour le développement de jeunes talents.
Une Quête Incessante de Succès
Encore deux ans plus tard, il s’est associé à KTM pour concourir dans le nouveau championnat du monde Moto3 et remporta le titre avec l’Allemand Sandro Cortese. En 2015, il agrandit son équipe pour disputer deux catégories en même temps. Sa première tentative en Moto2 fut la bonne puisqu’il s’empara de la couronne avec Johann Zarco. Ajo était en train d’acquérir une aura irrésistible. En 2016, son équipe a remporté le doublé Moto2/Moto3 avec Zarco et Brad Binder. Un exploit qu’il a réitéré en 2021 avec Pedro Acosta, rookie de 17 ans, et Remy Gardner. Parallèlement, il est également le manager personnel de plusieurs pilotes, dont Jack Miller, pilote d’usine KTM, et Maverick Vinales, officiel Aprilia, en MotoGP. C’est simple, personne dans le paddock n’est mieux placé que lui.
La Philosophie d’Ajo
Aki Ajo a connu tellement de succès avec tellement de jeunes que certains pensent qu’il possède une formule magique. Cela le fait rire. “Voilà ce que je dis à tous mes pilotes : hé, chaque matin, réveille-toi comme ça…” Le team manager se gifle – plutôt violemment – et poursuit : “et dis-toi : on est des put*** de chanceux d’être là ! Voilà ce que je dis à Pedro, à Jack, à tout le monde, tous les jours. Je pense que mes pilotes me respectent, même si parfois ils se moquent de mes phrases toutes faites, comme quand je dis : La course est simple quand on la garde simple. Aujourd’hui, mon travail est essentiellement commercial : s’occuper des relations avec les sponsors, les partenaires, etc. Reste que la partie la plus agréable pour moi est de travailler avec mes pilotes.”
Le Mental dans la Course
Je lui demande alors s’il s’agit d’un travail de psychothérapeute ou de psychanalyste. “Difficile à dire… mais c’est sûr, le pilote a besoin de quelqu’un en qui il a confiance et qui peut faire office de psy. Cela peut être son chef d’équipe, son manager, son coach ou son directeur d’équipe.” Si ce discours sur la psychanalyse vous semble exagéré lorsque l’on parle de Vitesse, rappelez-vous ce que Mick Doohan, quintuple champion du monde 500cc, a déclaré un jour : “La course moto, c’est à 90 % dans la tête.” Et c’est vrai ! Il faut posséder un état d’esprit très particulier pour rouler à la limite, semaine après semaine, en repoussant constamment ses propres capacités, en risquant tout, quel que soit le circuit, quel que soit le temps, parce qu’il y a très peu de sports qui soient plus dangereux que la course moto.
Mentalement Difficile
“Mentalement, c’est l’un des sports les plus difficiles – peut-être le plus difficile – car le pilote doit gérer tellement de domaines différents,” ajoute Ajo. Contrôler ses émotions, quoi qu’il se passe autour de soi, est l’une des choses les plus importantes. “Je suis toujours un peu inquiet lorsque quelqu’un fait appel à un psychologue du sport venant de l’extérieur. Je pense que c’est très risqué. Ils connaissent peut-être le football ou la gymnastique. Ils connaissent même certainement beaucoup de choses, mais ils n’ont aucune idée de ce que nous faisons ici. C’est pour ça que je ne veux pas que quelqu’un d’extérieur parle à mes pilotes. Moi, j’essaie d’être pédagogue avec eux, bien que je ne sois pas sûr d’être capable de gérer l’aspect mental de la course. J’essaie de leur apprendre ce que j’ai mal fait, de leur faire comprendre leurs points faibles, puis d’essayer de les enseigner aux autres. Les gens me disent souvent : ‘Ah, Aki, tu as une équipe incroyable !'”
Découvrez l’intégralité de cette rencontre avec Aki Ajo dans le numéro 137 de Sport Bikes Magazine.