Carlo Pernat, le patron d’une équipe MotoGP devenu manager de pilotes, est le dernier survivant de l’ère rock’n’roll des Grands Prix. Et cet Italien au franc-parler a quelques histoires à raconter, pas forcément toutes avouables !
Fin limier
Carlo Pernat travaille dans le monde de la course depuis plus de quarante ans. Il a commencé avec les usines Gilera, Cagiva, Ducati et Aprilia, avant de continuer en tant que manager personnel de Loris Capirossi, Marco Simoncelli, Andrea Iannone et, actuellement, d’Enea Bastianini, pilote d’usine Ducati en MotoGP. Il a aussi dirigé le projet Aprilia en Grand Prix tout au long des années 1990, lorsque l’usine de Noale est devenue la première marque italienne à battre les Japonais durant l’ère moderne. Pernat a d’ailleurs signé trois superstars d’Aprilia : Max Biaggi, Valentino Rossi et Capirossi. C’est lui qui a également engagé un jeune ingénieur du nom de Gigi Dall’Igna, qui passera plus tard chez Ducati, où il concevra la meilleure MotoGP du moment : la Desmosedici. Concernant Valentino Rossi, Pernat a su qu’il avait quelque chose de spécial la pre- mière fois qu’il a vu l’adolescent en action, à Misano en 1994. “Je me souviens encore l’observer. Il était incroyable, se remémore l’Italien. Je suis donc allé voir Ivano Beggio [fondateur et président d’Aprilia] et je lui ai dit que je vou- lais conclure un contrat de trois ans avec Valentino, en le payant 30 millions de lires en 1996, 60 millions en 1997 et 180 millions en 1998 [de 15 000 à 90 000 euros], qu’il gagne ou qu’il perde.
Beggio m’a dit : ‘Tu es fou, nous ne connaissons pas Valentino’. J’ai passé une demi-heure à le convaincre. Courir avec Valentino a été une belle période de ma vie, car il était très facile de travailler avec lui. Pour moi, ce qui était impressionnant chez lui, c’était son pilotage, mais aussi le fait qu’il était très amical.” Cependant, Pernat a très vite appris que Rossi ne plaisantait pas, même lorsqu’il était ado. “Fin 1996 [la première saison de Rossi en GP], nous avons eu une réunion dans mon bureau chez Aprilia. Je lui ai dit que je voulais qu’il pilote en 250cc en 1997. Valentino m’a répondu : ‘Non, c’est la 125cc ou je quitte Aprilia’. Mais nous avons un contrat, tu ne peux pas partir !
Toutefois, c’est le pilote qui pilote la moto, pas moi, alors en 1997 il a continué à piloter en 125cc. Fin 1997, il est venu me voir dans mon bureau et m’a dit : ‘Je ne veux pas passer en 250cc avec mon équipe l’année prochaine. Mets-moi dans une autre équipe ou je quitte Aprilia’. J’ai été très surpris, car j’avais déjà formé l’équipe officielle 250cc pour 1998 avec Capirossi et Tetsuya Harada. Que faire maintenant ? J’ai donc constitué trois équipes Aprilia officielles différentes. Vous pouvez imaginer l’effort que cela représente d’être responsable de trois équipes – plus de mécaniciens, plus de tout – mais c’était la seule solution. Pire, j’avais promis à Loris que son ingénieur en chef serait Rossano Brazzi. Mais en novembre 1997, Valentino est venu me voir et m’a dit : ‘Si je n’ai pas Brazzi, je ne cours pas avec Aprilia’. Encore une fois, que pouvais-je faire ? J’ai donc parlé à Loris. Je lui ai dit que Brazzi n’était peut-être pas l’ingénieur idéal pour lui, qu’il travaillerait peut-être mieux avec Mauro Noccioli. Il a fini par accepter. Je n’ai raconté cette histoire à Loris que vingt ans plus tard. Il m’a dit : ‘Espèce de salaud !’ Les gens n’ont aucune idée de ce qui se passe vraiment en coulisses.”
Retrouvez l’entièreté de cette rencontre dans les pages de Sport Bikes Magazine numéro 139. Disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.