“L’Australien n’est pas du genre à faire parler de lui. Ainsi, c’est en toute discrétion qu’il est devenu en quelques saisons l’un des pilotes les plus rapides et les plus expérimentés de l’EWC. Son palmarès parle de lui-même. Qui est le double champion du monde d’Endurance et vainqueur de la dernière édition des 24 Heures Motos du Mans ? Réponse avec Josh Hook.
Josh, avant tout, qui est Josh Hook ?
A fucking bastard from Australia ! [rires]
Comment tout a commencé pour toi ?
Ouah, c’était il y a longtemps ! En gros, j’ai grandi dans une ferme en Australie et, gamin, je faisais tout le temps de la moto. J’ai commencé par rouler en dirt track puis dans d’autres championnats du genre. Cela m’a progressivement amené vers la vitesse, notamment en championnat australien.
Devenir pilote professionnel fut rapidement un objectif ?
Bah… jeune, je n’imaginais pas ça comme une profession. J’ai fini par être plutôt bon. C’est là que j’ai réalisé que je pouvais en faire mon job. Ce n’était pas mon intention, c’est venu naturellement. Et au final, je suis là et j’en suis reconnaissant. Ce job est incroyable. D’ailleurs, je ne suis pas sûr que j’aurais pu faire autre chose…
Tu as roulé deux saisons en Red Bull MotoGP Rookies Cup en 2009 et 2010. Quels souvenirs en gardes-tu ?
C’était dur ! Je suis le premier à courir dans ma famille et mes parents ne connaissaient absolument rien à la compétition moto. En gros, nous avons débarqué en Red Bull Rookies Cup comme ça, du jour au lendemain. Venir en Europe, rouler ici, sans expérience, sans savoir ce qu’il fallait faire, sans connaître les bonnes décisions à prendre pour réussir, c’était dur. Nous avons beaucoup appris pour le futur, c’est sûr, mais cette expérience n’a mené à rien au final. Après la Rookies Cup, nous sommes rentrés en Australie où j’ai repris la compétition.
Casey Stoner et Jack Miller ont déjà révélé qu’être si loin de l’Australie si jeune avait été une expérience traumatisante. Ce fut le cas pour toi aussi ?
Non, car nous étions basés en Australie et nous venions en Europe pour les courses. Nous n’avions ni maison ni camping-car ici. Par contre, cette période a été extrêmement difficile, financièrement parlant, pour mes parents à cause des coûts pharamineux des voyages. Ils ont dépensé beaucoup d’argent. C’est simple, après la Red Bull Rookies Cup, mon père m’a dit qu’il fallait arrêter, qu’on ne pouvait pas se permettre de continuer, que c’était ridicule. C’est pour ça que j’ai roulé en Australie.
Tu as d’ailleurs réalisé de belles saisons en championnat Superbike australien de 2011 à 2014…
L’argent a commencé à rentrer à cette période. Mes parents n’ont plus rien eu à payer, ce qui était parfait, donc ils m’ont dit : “Fais ce que tu veux !” On peut dire que je suis devenu professionnel à ce moment-là. Je gagnais ma vie en roulant. Je n’avais plus à payer pour voyager, pour une moto, pour être dans un team ou une autre connerie. Tout était payé. Ma carrière a commencé à devenir une réalité.
Tu es même passé très proche du titre ASBK Superbike en 2014, mais une mauvaise blessure aux cervicales t’en a privé…
C’est vrai, mais la vitesse était là et nous avons gagné des courses. Puis j’étais jeune et moi, je voulais juste rouler pour gagner. Je n’en avais rien à foutre du championnat.
Durant cette période, on t’a aussi vu participer à quelques Grands Prix en Moto2. As-tu le sentiment que l’on t’a suffisamment donné ta chance en GP ?
Définitivement non ! Les pilotes de GP ne sont pas meilleurs que moi. Ce n’est que mon opinion, beaucoup de personnes ne seront certainement pas d’accord avec ça, mais c’est ce que je ressens. Le fait est que tu dois beaucoup sacrifier pour être en Grand Prix et mes parents n’étaient pas en position de le faire. Et je suis ok avec ça ! Je suis bien ici. Je gagne ma vie en pilotant des motos, je suis content, mais je pense que tu peux avoir plus d’opportunités pour montrer ton talent quand tu es d’une famille européenne. Les coûts sont moins importants.
C’est donc l’argent et un peu de chance qui t’ont manqué pour faire carrière en GP ?
Mais comme pour beaucoup de gars venant d’Australie. À moins que ta famille n’ait décidé d’absolument tout sacrifier, de tout arrêter en Australie, pour déménager en Europe et vivre à l’européenne, c’est impossible. Comme mes parents ne venaient pas du milieu de la compétition, ils pensaient que réussir était plus de l’ordre du rêve que de la réalité. À quoi bon risquer tout ce pour quoi ils avaient travaillé pour quelque chose qui, peut-être, n’était qu’un rêve ? Ils ont décidé de ne pas continuer, c’est tout.
Finalement, Masakazu Fujii, le patron de TSR, te donne ta chance en 2015. Comment t’a-t-il remarqué ?
Le point clé de ma carrière, où tout a pris forme je crois, ce sont les 8 Heures de Suzuka. Suzuka étant plutôt proche de l’Australie, de nombreux pilotes australiens y participent. J’ai pris plusieurs départs pour différentes équipes Honda, des teams de milieu de grille, et j’ai fait du bon boulot sur la moto. C’est là que Fujii m’a remarqué et m’a demandé de rouler pour lui. Notre objectif principal en 2015 était les 8H de Suzuka. Je roulais aussi en championnat Superbike japonais, mais cela faisait surtout office d’entraînement pour les 8H. Nous avons fait le job finalement car nous terminons 2e de la course cette année-là avec Dominique Aegerter et Kyle Smith. C’est là que tout a commencé avec TSR.
Tu as même déménagé au Japon en 2015, non ?
Oui, j’ai vécu chez Fujii pendant un an. La vie au Japon est très différente de ce que je connaissais, mais c’est sympa si tu aimes. J’y suis resté l’année entière, à plein temps. C’était une bonne chose car il vit juste à côté du circuit de Suzuka. On roulait donc beaucoup. Le team et la moto étaient parfaits. J’ai beaucoup appris sur moi-même durant cette période.
Voilà qui explique ta fidélité envers le TSR depuis toutes ces années ?
Il n’y a pas que ça. Je suis aussi à un âge où je sais que l’herbe n’est pas plus verte chez le voisin. Je connais parfaitement le team. Je connais parfaitement la moto. Je sais que j’ai le meilleur package du paddock EWC. Je n’ai donc aucune envie de regarder ce qui se passe dans les autres équipes même si elles me proposent plus d’argent. Ce que j’ai ici est spécial et je ne veux pas risquer de le perdre. C’est donc facile pour moi d’être fidèle. Et comme je suis toujours performant, TSR n’a aucune raison de me mettre dehors.
Interview complète de Josh Hook à retrouver dans Sport Bikes numéro 137.