Le circuit d’Albi traverse des heures délicates et vit sous la menace d’une fermeture administrative.
Ce lundi 12 juillet, la mise en demeure de la mairie du Séquestre – commune voisine d’Albi sur laquelle est aujourd’hui implantée le circuit – de cesser tout dépassement d’émergence sonore, aussi minime soit-elle, arrivera à échéance.
Nous faisons le point sur la situation avec Grégor Raymondis, dont la société DS Events assure l’exploitation du circuit d’Albi depuis 2015.

M. Raymondis, pouvez-vous commencer par nous expliquer, en quelques mots, comment le bruit généré par les activités du circuit d’Albi est devenu un sujet ?
Le circuit d’Albi, comme tous les circuits de France, est homologué par le Ministère de l’Intérieur selon le code du sport, qui fixe le cadre d’exploitation du circuit, ses horaires, les normes de bruit et le nombre de journées dérogatoires durant lesquelles nous sommes autorisés à les dépasser – fixé à 12 jours par an pour nous.
Jusqu’en 2018, nous devions respecter cette homologation et donc, le code du sport. Depuis 2018, nous devons aussi respecter le code de la santé publique. Or, il a récemment été imposé par les autorités, la préfecture et l’Agence Régionale de Santé (ARS) de repositionner deux capteurs de bruit à proximité du circuit.
Où sont situés ces sonomètres ?
L’un est situé en plein cœur du Séquestre et concerne 90 % de ses habitants. Ses relevés ne posent aucun problème. L’autre a été placé à 35 mètres seulement de la piste et ne concerne que deux habitations. Sa proximité directe avec le circuit entraîne forcément l’enregistrement d’émergence sonores, non systématiques mais régulières, et nous met en défaut vis-à-vis du code de la santé publique.
Quelles mesures avez-vous prises pour réduire ces émergences ?
Le Ministère de l’Intérieur a demandé la construction d’un mur antibruit à cet endroit, afin de réduire de 7 décibels les émergences non autorisées. Nous avons construit en décembre 2020 cet édifice de 180 mètres de long sur 4 mètres de haut, qui remplit parfaitement sa fonction puisqu’il permet de réduire ces émergences de 9 décibels.
Le problème, c’est que même si ce mur fait plus que ce que lui demande le Ministère de l’Intérieur, les émergences sonores demeurent supérieures aux valeurs légales pour ces deux maisons. L’ARAS [l’association anti-circuit des riverains, constituée de 44 membres], le maire du Séquestre et la préfecture portent plainte systématiquement sur ces émergences.
Et le maire du Séquestre nous a mis en demeure de respecter le code de la santé publique sous réserve de sanctions qui peuvent aller, dans le pire des cas, jusqu’à la fermeture administrative du circuit. Cette mise en demeure arrive à échéance le 12 juillet.
Avez-vous tenté de réduire davantage ces émergences ?
Oui, nous avons modifié le mur en lui ajoutant une casquette afin d’en améliorer l’efficacité. Nous avons avant cela abandonné les activités moto et drift. Côté auto, nous interdisons souvent la piste à des voitures homologuées pour la route dont le niveau d’émission sonore est largement supérieur à ce qui est toléré sur le circuit.
Aujourd’hui, une voiture de course comme une Porsche Cup fait moins de bruit qu’une Porsche GT3 RS du commerce. Nous devons faire la police, nous faisons attention à tout, nous faisons beaucoup d’effort, mais nous avons en face de nous un mur.
Craignez-vous cette potentielle fermeture administrative ?
Ce serait le pire scénario, mais nous le prenons bien sûr au sérieux. Surtout, ce que nous souhaitons, c’est renouer le dialogue ; que les pro et les anti-circuit puissent s’asseoir autour d’une table et discuter afin de trouver le meilleur compromis pour tout le monde.
Depuis 2015, la mairie d’Albi nous a délégué la gestion du circuit. Nous fonctionnons en autonomie financière, sans aide ou argent public. Notre modèle économique ne peut pas se contenter de 12 jours d’activité par an. Le plus gros risque est donc que la gestion du circuit revienne dans le domaine public et que son activité soit financée par des contribuables qui n’ont rien demandé.
Qui est né le premier : le circuit ou le Séquestre ?
Le site a été inauguré en 1962 autour de l’aérodrome afin de concentrer les nuisances sonores. Autour, il n’y avait rien : le village du Séquestre n’existait pas – c’est une extension d’Albi. Nous avons toujours été solidaire avec l’aérodrome. Pour l’instant, nous concentrons les griefs. Mais si le circuit doit s’arrêter, l’aérodrome sait qu’il sera le suivant sur la liste. L’école de parachutisme y est très dynamique et elle commence à recevoir des lettres…
La mairie d’Albi vous soutient-elle ?
Oui, de façon très engagée, très active : le site leur appartient et représente un vecteur économique précieux en plus d’être un haut lieu du sport mécanique. Le circuit représente 40 emplois – 12 équivalent plein temps à l’année, 28 indirects, sans parler des retombées économiques annuelles pour les hôtels, restaurants…
La mairie d’Albi a toujours voulu poursuivre avec ce circuit. Il nous a fallu un gros travail de fond sur six ans pour le remettre en route et redonner confiance. Aujourd’hui, il suffirait d’un an ou un an et demi sans entretien pour revenir à zéro.
Aussi, la mairie d’Albi souhaite installer sur le circuit un centre européen de la mobilité innovante, très axé sur l’hydrogène, afin d’accueillir des entreprises de R&D sur la mobilité écologique. Ce circuit pourrait ainsi devenir un centre d’essai précurseur.
L’électrique pourrait-il sauver le circuit d’Albi ?
Le circuit est déjà moins bruyant qu’il ne l’était avant ; il est plus bruyant qu’il ne le sera plus tard. L’électrique, petit à petit, va arriver. Il nous faut nous battre, rester ouvert durant cette période de transition. D’ici quelques années – dizaines d’années, le bruit des circuits ne sera plus un sujet. Nous ne sommes pas des irréductibles Gaulois qui voulons cramer de l’essence à tout prix. Nous nous adaptons.
Et quand on voit l’audience des GP auto et moto, on ne peut pas dire que les Français n’aiment pas les sports mécaniques. On le voit, car on a aussi le soutien de nombreuses associations. Récemment, notre pétition sur Change.org a enregistré 44 000 signatures – soit, à quelque chose près, l’équivalent de la population d’Albi. C’est encourageant pour le futur.
Il y a le bruit, mais quid de la question écologique ?
Nous avons demandé à un organisme de contrôle de la qualité de l’air de venir faire des mesures : il n’a même pas souhaité se déplacer. Selon lui, 20 véhicules qui tournent sur la piste n’auront aucune influence sur la qualité de l’air autour du circuit, tout simplement parce que le circuit est accolé à l’autoroute reliant Toulouse et Albi et accueillant de fait un trafic routier très important.
Avez-vous la sensation d’être le précurseur d’une longue série de démêlés entre les circuits et les autorités ?
À terme, le décret antibruit doit être modifié pour l’ensemble des circuits. Nous sommes en première ligne car notre circuit est très bien placé, facile d’accès, proche du centre-ville, dans une agglo très dense. L’arrêté du circuit d’Albi est le plus restrictif de France. Nous l’acceptons car son implantation géographique, aujourd’hui, est ainsi faite. Mais faire plus que plus, ce n’est pas possible.
Vous y croyez toujours ?
Oui, nous ne lâcherons rien. Ce week-end, nous organisons notre 4e GP historique, puis il y aura le GP camions en septembre. Nous restons super motivés à proposer des compétitions de qualité. Et nous espérons pouvoir à nouveau accueillir les motos à l’avenir. Sinon, nous aurions lâché depuis longtemps.