Un tremblement de terre – d’intensité plus ou moins légère – est à prévoir en MotoGP.
Les plaques tectoniques de la catégorie reine sont en mouvement depuis quelques années maintenant. Elles gémissent, grognent, en glissant les unes contre les autres, la pression ne cessant de croître. Un jour ou l’autre, logiquement, quelque chose doit donc sauter. Le mécontentement s’est amplifié au cours des dernières années, les pilotes se demandant s’ils ont réellement un contrôle sur leur propre destin.
Il y a vingt ans, un week-end de Grand Prix comportait deux épisodes intenses de stress. Le premier se déroulait pendant les quinze dernières minutes de la dernière séance d’essais du samedi après-midi, lorsque les pilotes montaient des pneus softs et attaquaient au maximum pour établir leur temps de qualification. Le second arrivait le lendemain après-midi, lorsque la course s’élançait. Tout allait alors pour le mieux dans le meilleur des mondes.
De plus en plus de stress et d’intensité
À présent, il y a six actes au cours de chaque week-end durant lesquels la pression est énorme pour les pilotes, de courts moments où ils doivent se ceindre les reins, mettre leur vie et leur intégrité physique en jeu, pour chasser un centième de seconde par-ci, un millième de seconde par-là. Car oui, s’ils pouvaient vendre leur grand-mère pour une place sur la première ou la deuxième ligne de la grille, la plupart d’entre eux le feraient probablement.
La FP1, renommée cette année Practice 1, soit la toute première sortie de chaque Grand Prix, est le premier épisode de stress. Auparavant, les pilotes se préparaient au dimanche dès le vendredi matin. Ils nettoyaient la piste, essayaient telle ou telle chose sur la moto et, d’une manière générale, ne se préoccupaient pas d’un temps au tour qui n’avait en finalité aucune importance. Désormais, la Practice 1 est purement et simplement une séance de qualification, car la P2 est la seule autre séance qui désigne les qualifiés de la Q2, ceux qui n’auront pas à se frayer un chemin à travers la Q1. Les pilotes doivent donc tout risquer lors de la P1, au cas où quelque chose tournerait mal durant la P2, ou si la piste s’avérait plus lente. Ceci même si leurs motos ne sont pas encore réglées pour attaquer, même s’ils n’ont pas encore essayé leurs machines avec des pneus tendres.
La P2 est l’épisode de stress suivant car, quel que soit votre chrono en P1, vous devez toujours essayer d’aller plus vite afin d’assurer une place dans le top 10 et donc une position en Q2. Ainsi, les ultimes minutes de cette séance ressemblent à une qualification, où chacun repousse les limites tout en espérant ne pas finir à la Clinica Mobile. Les deux premières séances d’essais à Portimao l’ont prouvé. À la fin de l’après-midi, les vingt premiers pilotes étaient séparés par 1,2 seconde. C’était plus serré que les vingt premiers des catégories Moto2 et Moto3 ! Pire, non seulement les séances d’essais sont moins nombreuses, mais elles sont aussi plus courtes, alors que les motos n’ont jamais été aussi complexes et que le choix des pneus n’a jamais été aussi crucial.
Une pression supplémentaire sur les ingénieurs
Les ingénieurs avouent même qu’ils sont tellement concentrés sur la Q2 dès le vendredi matin qu’ils n’ont plus le temps d’essayer quoi que ce soit d’autre que de petites modifications sur leurs motos. Et certains d’entre eux confient qu’ils peuvent à peine regarder la télévision lorsque leur pilote se lance dans des tours chronos, sachant les énormes risques qu’ils prennent à chaque virage. “Les pilotes disent qu’un tour de qualification, c’est comme perdre une de leurs vies”, explique même un ingénieur.
Une inquiétude générale
La pression peut redescendre lors de la Practice 3. Cette séance est comme l’ancienne FP4, sauf qu’elle est largement inutile, se déroulant le matin sur une piste plus fraîche qu’elle ne le sera lors des deux courses du weekend : la Sprint et le Grand Prix. La Q1 est à l’inverse un épisode de tension extrême pour les douze pilotes qui n’ont pas intégré directement la Q2. Une fois de plus, ils doivent lancer les dés dans l’espoir de terminer la Q1 aux deux premières positions, ce qui leur donnera accès à la Q2 et leur permettra de se battre pour une place sur les quatre premières lignes de la grille de départ. S’ils n’atteignent pas la Q2, ils savent que leur week-end est quasiment terminé. “C’est très rageant de louper la Q2″, m’a dit Danilo Petrucci il y a quelques années. En gros, cela veut dire que vous êtes en difficulté et que vous ne pourrez pas vous battre pour le podium.”
Dans la continuité, la Q2 est un autre moment de stress intense. Dépasser en MotoGP est aujourd’hui tellement difficile – parce que toutes les motos sont quasiment identiques, avec les mêmes pneus, une électronique unique, une aérodynamique similaire, les ride-height devices et des problèmes de pression des pneus – que vous avez peu de chances de vous battre pour la victoire si vous ne partez pas des deux premières lignes. À Portimao, les deux premières lignes se tenaient en trois dixièmes de seconde, c’est dire l’intensité des qualifications. “C’est un passage assez douloureux”, confirmait récemment un chef d’équipe.
La course Sprint
Il est évident que le Sprint du samedi est un autre point de stress important. Inutile de faire un dessin ! Deux fois moins de points, deux fois moins de tours et deux fois plus de risques, parce qu’il n’y a rien d’autre à faire qu’attaquer, attaquer, attaquer. Là encore, c’est plus facile pour les pilotes en tête. La lutte tend à être moins frénétique et moins dangereuse que dans le peloton en milieu ou en fin fond de grille. Et puis il y a le dimanche après-midi, le point de tension originel, le moment pour lequel tous les pilotes vivent. La course moto n’est pas censée être facile. Elle est difficile, tout comme elle est dangereuse, car on ne pourra jamais protéger un pilote moto comme on peut protéger un coureur automobile. C’est pourquoi, en parlant avec les pilotes, les mécaniciens et les ingénieurs du MotoGP, on a le sentiment que le championnat est en surchauffe, proche du burn out. Ce ne sont donc pas seulement les pilotes qui se plaignent. Toutes ces personnes donnent déjà tout ce qu’elles ont. Elles sont soumises à une pression énorme et incessante, du vendredi matin au dimanche après-midi.
D’autant que le stress ne se manifeste pas seulement sur la piste. Chaque jour, les pilotes passent beaucoup moins de temps sur la moto que dans des réunions techniques tendues, car c’est ainsi que les choses se déroulent aujourd’hui. Et puis les pilotes ont des obligations auprès des sponsors, de la télévision, de la presse et désormais du public. Cela représente des heures de travail. Ils sont stressés, épuisés. C’est alors que les erreurs se produisent.
Suite de l’article à lire dans Sport Bikes Magazine numéro 137.