Simple distinction ? Véritable identité visuelle ? Symbole ? Les numéros des pilotes MotoGP sont tout cela à la fois. Ils les caractérisent au même titre qu’un design de casque. Tandis que Francesco Bagnaia a finalement opté en faveur du n°1 pour la saison 2023, voici ce qui se cache derrière un élément qui est tout sauf anodin.
De nos jours, on reconnaît un pilote de Grand Prix au nombre qu’il arbore. Un simple 46 jaune fait penser à Valentino Rossi, sans même qu’il soit mentionnée, alors même qu’il ne roule plus, mais ce ne fut pas toujours le cas.
Les pilotes des différentes catégories du championnat du monde ne peuvent choisir leur numéro que depuis 1996. Auparavant, celui inscrit sur la moto d’un pilote correspondait à la place acquise au classement final de la saison précédente. Par exemple : Mick Doohan termina 3e en 500cc en 1990 et prit le n°3 en 1991. Ce système permettait alors d’identifier les hommes forts dans une saison. Désormais, le chiffre sert d’identité et le merchandising (casquette, t-shirt etc…) de l’athlète en est composé. S’il change, c’est tous les produits dérivés qu’il faut revoir.
Le pilote choisit le numéro et son design dans la majeure partie des cas, peu importe la catégorie, souvent pour des raisons personnelles : sa date de naissance (le plus souvent), en hommage à un autre pilote, etc. Il y a pourtant quelques exceptions, comme l’équipe Moto2 Flexbox HP40 qui oblige l’un de ses pilotes à porter le nombre 40 (pour une raison de sponsoring). Les possibilités de choix vont du n°2 au n°99, le n°1 étant réservé au champion du monde en titre. De plus, il est envisageable d’avoir deux unités pour un chiffre sous la dizaine (02 ou 2).
Une fois qu’il passe en catégorie reine, l’athlète garde généralement son chiffre jusqu’à la fin de sa carrière MotoGP. Au contraire, il n’est pas rare de voir des changements de numéro dans les classes inférieures. Ces pilotes restent rarement dans la même catégorie, passant du Moto3 au Moto2, ou d’un championnat à un autre, et leur marque se trouve souvent être attribuée à un autre. Le merchandising et l’identité associée à celui-ci étant moins prononcé dans ces catégories, il est moins problématique de le modifier.
Le choix de Bagnaia
Les rares fois où un pilote MotoGP troque son numéro est lorsqu’il devient champion du monde, et décide de prendre le n°1. Chaque hiver, la question se pose de savoir si le nouveau lauréat revêtira le numéro du leader. Cela fait onze ans que ce n’est pas arrivé. Le dernier en date était Casey Stoner, en 2012, chez Honda Repsol.
Ces dernières semaines, l’interrogation s’est portée sur Francesco Bagnaia, le champion du monde 2022. L’Italien a souvent changé de chiffre. Il utilisait le 21 en Moto3 puis le 42 en Moto2, et c’est leur addition qui donna le n°63, son nombre fétiche en MotoGP, soit la fameuse #perfectcombination. Il était donc probable qu’il y soit moins attaché et qu’il se dirige plus facilement vers le n°1, à l’inverse de ses prédécesseurs Fabio Quartararo et Joan Mir. Eux, portaient déjà leur chiffre actuel (respectivement le 20 et le 36) avant même d’arriver en Mondial.
Quoi qu’il en soit, l’Italien a choisi. Par contre, il est difficile de savoir dans quelle mesure Ducati a penché dans la balance. Borgo Panigale chassait ce titre – et celui du WorldSBK – depuis de nombreuses années. Pouvoir afficher le n°1 sur deux carénages, dans les deux championnats majeurs de la Vitesse, n’était donc pas anecdotique.
De nos jours, certains nombres sont indisponibles dans une catégorie, mais peuvent l’être dans d’autres. Par exemple : le n°50 de Jason Dupasquier fut retiré de la catégorie Moto3 après son décès en 2021. Il est toujours libre en Moto2 et en MotoGP. Les numéros 39 de Luis Salom en catégorie intermédiaire et 74 de Daijiro Kato en MotoGP furent également retirés pour les mêmes raisons. Il s’agit là d’hommage.
Le 46 de Rossi fut lui aussi récemment enlevé des nombres disponibles. L’Italien est toujours de ce monde, mais ce geste permet de l’ériger encore un peu plus au rang de légende du MotoGP. Tout ceci ne fait d’ailleurs qu’accentuer l’association identité/numéro. Pourtant, le nonuple champion du monde n’était pas fan de l’idée. La Dorna en a décidé autrement. Retirer un numéro n’est pas anecdotique. C’est pourquoi, bien que l’instance espagnole rende la décision finale, elle prend toujours soin de demander leurs avis au pilote ou à sa famille.
Aujourd’hui, c’est un fait, le n°1 n’a plus vraiment la côte chez des pilotes privilégiant leur identité visuelle et le business qui va avec. Ce chiffre conserve toutefois une chose d’inégalable, que lui seul peut procurer : le prestige.
Maël Roy